Divinités chinoises : Les généraux Heng et Ha, protecteurs des monastères bouddhistes

Cette semaine, dans l’émission « A la poursuite des dieux chinois », nous avons l’occasion d’aborder le cas d’un couple de personnages à la fois discrets, mais qui ne laissent personne indifférent lorsqu’on se retrouve face à eux. Les généraux Heng et Ha, de leur nom version chinoise/taiwanaise, sont pourtant deux divinités qui mériteraient d’être un peu plus connues, ne serait-ce en raison de leurs origines, sorte de mélange entre textes sacrés bouddhistes, influences helléniques ainsi que contes et légendes chinoises. Aujourd’hui, ce couple, transfiguration de la puissance extrême, se retrouve dans bien des lieux de cultes bouddhistes et dans la plupart des pays d’Asie.

Et si je commençais par vous dire qu’il y a probablement un lien entre Heraclès (Hercule) et des divinités du bouddhisme chinois ? Tout ça peut paraître bien lointain en terme d’espace et de temps, mais la question de l’existence d’un rapport entre divinités grecques et chinoises a de bonnes raisons d’être posée, d’autant plus qu’elle expliquerait en partie la présence de ces deux puissants guerriers postés à l’entrée des monastères bouddhistes : les généraux Heng et Ha…

Le Général Heng - Zheng Lun
Le Général Heng – Zheng Lun

Habillés des traditionnels habits de généraux divins, robes aux couleurs vives et dorées, Heng et Ha, sont considérés comme des protecteurs de Bouddha. Ils protègent aujourd’hui les portes d’entrée des temples bouddhistes. Toujours placé à gauche, Heng pose un regard insistant sur le visiteur tandis que Ha, la bouche ouverte, semble lancer un cri de guerre intimidant. A Taiwan, on raconte que ces deux personnages auraient vécu à l’époque de la chute de la dynastie Shang, au beau milieu du Xème siècle avant J.C. Le premier, Heng, s’appelait Zheng Lun. Il était un général des Shang et il avait certains pouvoirs magiques, comme celui de souffler un gaz toxique par les narines ou de lancer un rayon avec les yeux. Des techniques qui lui ont permis de remporter bien des combats. Il changea ensuite de camp pour aider les Zhou à faire tomber la dynastie Shang. Le second, Ha, s’appelait Chen Qi. Lui aussi savait produire un gaz toxique, mais avec sa bouche. Le destin mènera ces deux guerriers à se battre en duel sur le champ de bataille et c’est seulement au bout de deux journées de combats acharnés que Zheng Lun l’emportera difficilement sur Chen Qi. Plus tard, Chen Qi est vaincu par le puissant Nerzha et assassiné par Huang Fei-hu, un général des Zhou. Zheng Lun connait lui aussi une fin tragique puisqu’un général mandaté par le roi Zhou Wang des Shang, l’assassine à l’aide d’un coup imparable et le tranche littéralement en deux à l’aide d’une épée longue.

Le Général Ha - Chen Qi
Le Général Ha – Chen Qi

Cette histoire, en réalité contée dans le roman « L’Investiture des Dieux » écrit au 16ème siècle après J.C, raconte également qu’après la victoire des Zhou sur les Shang, le fin stratège Jiang Ziya investit les Dieux. Lors de cette cérémonie, il offre le poste de gardien de Bouddha à Chen Qi et Zheng Lun. Ils deviennent alors les deux généraux Heng (comme un bourdonnement émis à l’intérieur du corps) et Ha (comme le cri poussé pour décupler la puissance lors d’un combat). C’est cette origine romancée que l’on retient aujourd’hui à Taiwan et en Chine.

En réalité, les origines bouddhistes sont toutes autres. Du côté de l’Inde, on parle de ce guerrier Guhyapada qui avait fait vœu de protéger Bouddha. Dans certaines sculptures et gravures du 2ème siècle avant J.C. C’est même Héraclès (Hercule donc) qui est représenté derrière un Bouddha en méditation. On retrouve alors des influences qui pourraient s’expliquer avec la route commerçante de la soie entre l’Orient et l’Occident. Guhyapada suit Bouddha lors de l’arrivée du bouddhisme en Chine. Alors qu’il était représenté sur l’unique porte d’entrée des monastères en Inde, Guhyapada s’est retrouvé divisé en deux une fois en Chine, les entrées de tempes et monastères étant composées de deux portes. Le guerrier devient deux, qui sont eux-même une représentation Yin-Yang de la version originale. Pour une assimilation plus simple dans la culture chinoise, on explique l’existence de ce couple par le biais du roman « L’Investiture des Dieux », dont les sources et origines sont probablement antérieures au 16ème après J.C

Une version plus japonaise des Généraux Heng Ha trouvée dans le temple Cisheng de Taipei
Une version plus japonaise des Généraux Heng Ha trouvée dans le temple Cisheng de Taipei

Si les Taïwanais retiennent avant tout la version romancée, il est bon de noter que la présence de Heng et Ha s’est également répandue dans les monastères de Corée, du Japon et certainement d’autres contrées d’Asie. Alors oui, les formes et représentations seront différentes, mais on retrouvera toujours cette impression de puissance et d’intimidation qui se dégagent des deux inséparables compères, de même que leurs expressions de visage, dont la bouche ouverte de Chen Qi « Ha » qui semble devoir crier pour l’éternité. Un mot sur la version japonaise pour conclure. C’est certainement la version la plus populaire puisque cette déclinaison apparaît dans certains animés japonais, voire même dans certains jeux vidéos où ils servent d’inspiration pour la création de personnages.

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