Visiter le comté de Changhua sans passer par la ville de Lukang – 鹿港 – serait un crime. Le « Port du Cerf » est sans nul doute un des lieux les plus intéressants de Taiwan sur les plans historiques et culturels. Il y a bien longtemps, le port de Lukang voyait arriver en grand nombre les immigrés chinois qui venaient du continent pour tenter l’aventure taiwanaise. Au cours des 18ème et 19ème siècles, Lukang devient la 2ème ville la plus importante de l’île avec une population qui atteint les 200 000 habitants. Seule Tainan est alors plus peuplée que Lukang…
Mais si tout semblait sourire à Lukang durant cette époque florissante, il lui manquait toutefois quelque chose d’important :
Un centre d’enseignement.

A quoi sert d’avoir de l’argent quand on n’a pas l’éducation ?
Une réflexion qui s’est peut-être formée dans la tête d’un certain Cheng Chuan-an, haut-fonctionnaire de l’empire chinois sous la dynastie des Qing (1616-1912) et surtout préfet du nord de Taiwan entre 1824 et 1828, une fonction qu’il a occupé un temps à Lukang en raison des frictions entre les différentes communautés du nord de l’île. Durant son mandat, Cheng Chuan-an va promouvoir l’éducation dans une région qui, même si elle était riche, ne disposait d’aucun centre d’enseignement.
Il décide de lancer la construction d’une école ou plutôt d’un collège rural. Celui-ci sera achevé 3 années plus tard en 1827 en prendra le nom « Académie Wenkai » en hommage à l’érudit, enseignant et poète à ses heures : Shen Guang-wen, qui portait également le nom de Shen Wenkai.
Bien qu’il soit né en 1612 dans la province chinoise du Zhejiang, Shen Guang-wen se retrouve sur l’île de Taiwan en 1652 après l’effrondrement de la dynastie des Ming (1368-1644) au profit des Mandchous. Ses nombreuses contributions auprès de la population taiwanaise et ce jusqu’à son décès en 1688 lui valurent d’être considéré comme le fondateur de la littérature taiwanaise. Son empreinte est telle qu’il a aussi reçu le titre honorifique de « Confucius taiwanais ». Proche de Koxinga, Shen Guang-wen a joué un rôle important dans le développement de l’éducation et de la culture taiwanaise, enseignant notamment l’écriture et la lecture.
En dehors d’apporter une touche d’éducation à la population locale, l’Académie Wenkai a pour objectif de former de futurs fonctionnaires de l’Etat. Les élèves qui y suivent un cursus sont ainsi préparés pour les examens impériaux des mandarins. Elle collecte également de nombreuses données en rassemblant une large collection de livres. Sur le plan de l’enseignement et de l’éducation, la ville portuaire de Lukang connait alors un âge d’or. De nombreux hauts-fonctionnaires de l’Empire et autres personnalités de renom sortiront de l’Académie Wenkai entre sa fondation et les dernières années de la dynastie des Qing.
Durant la période japonaise (1895-1945), les activités de l’académie sont suspendues suite à la mise en place d’une école publique par le gouvernement colonial japonais. Elle sert un temps de résidence au Prince Kitashirakawa Yoshihisa (1847-1895) avant que celui-ci décède peu de temps après lors de la prise de contrôle de Taiwan par l’Empire du Soleil-Levant. Elle devient alors un lieu dédié à sa mémoire jusqu’à la rétrocession de Taiwan à la République de Chine.
Lorsque le KMT prend possession de Taiwan (à la fin de la Seconde Guerre mondiale), l’Académie Wenkai est délabrée. Bien des années plus tard, en 1975, elle est victime d’un incendie qui va quasiment la réduire en cendres. De longs travaux de remise en état sont ensuite lancés pour lui donner l’apparence qu’elle garde encore aujourd’hui. Cette restauration, qui tente de rester la plus fidèle possible à l’apparence d’origine, est achevée en 1984.
Aujourd’hui, l’Académie Wenkai est devenue un lieu touristique majeur de Lukang. L’ensemble est réparti en trois enceintes mitoyennes, elles-même entourées d’un jardin et d’une esplanade qui font office de parc public. Un des bâtiments est dédié à la mémoire des personnalités qui ont particulièrement contribué au développement de l’enseignement de la littérature à Taiwan. Une place centrale est accordée au néoconfucianniste de la période des Song (960-1279) Zhu Xi (1130-1200) comme c’est d’ailleurs le cas dans de nombreuses bibliothèques privées. Seuls les établissements mis en place par les autorités, comme les temples de Confucius, ont le droit de permettre un culte à Confucius.
Pour ce qui est de l’enseignement qui y était donné par le passé, il s’agissait pour beaucoup de politique. Généralement, les élèves lisaient leurs livres et ne s’adressaient au professeur que lorsqu’ils avaient des questions. Professeur et élèves résidaient ensemble dans l’Académie, ceci devant permettre à l’enseignant d’assister au mieux ses disciplines dans leur processus d’apprentissage tout en favorisant l’entraide et les interactions entre les étudiants.
Le directeur de l’Académie prononçait parfois des discours. Il y avait deux examens par mois, ces derniers motivant les meilleurs à l’aide d’un système de récompense.
super intéressant comme d’habitude , merci
c’est génial !
J’aime beaucoup l’architecture. Calme oriental …