‘Picking up garbage through lenses’ ou ‘Still Life Analysis’ est la dernière série photographique en date de Chen I-hsuen, jeune photographe émergeant de la scène taiwanaise que nous avions présenté ICI dans une autre série: ‘Nowhere in Taiwan’ (Nulle part à Taiwan).
Le photographe qui est désormais basé à New-York où il a bouclé son cycle universitaire en arts appliqués est extrêmement productif et ne cesse d’aborder la question du problème identitaire, tiraillé entre son nouveau pays d’adoption et son île natale. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’il soit revenu à Taiwan en résidence d’artiste quelques mois.
De ce programme de résidence de mars à mai 2014 à ‘Bamboo Curtain Studio’ sur les rives de Zhuwei bordée du lit de la rivière de Tamnshui en bordure de Taipei, est née une série photographique ‘Picking up garbage through lenses’ (Cueillir les détritus à la lumière de l’objectif) ou ‘Still Life Analysis’ (Etude des natures mortes) qui y a été exposée jusqu’à hier.
Voici un aperçu de l’installation des photographies de taille A3 exposées au village d’artistes:

Au premier coup d’œil, qu’apercevez-vous? Un local désaffecté, une chambre d’étudiant qui aurait décampé les lieux en laissant derrière lui des photos au mur et … quelques détritus? Un trépied orné d’un sac poubelle, une pelle, un cadre photo au sol, des ampoules sans abajours… Rien de bien accueillant sinon que la pièce est inondée de lumière naturelle et que la verdure semble au pas de la porte entrouverte qu’on aperçoit sur la droite, un coin de nature qui semble être une invitation.
Ah, mais non!!! Nous sommes là pour rester quelques minutes de plus dans cette pièce et parler de cette exposition qui cueille les détritus à l’objectif.
Mais pourquoi donc photographier les poubelles, les objets abandonnés au coin de la rue, toutes ces natures mortes qui composent notre paysage quotidien? Justement parce qu’il est intéressant de se pencher sur ce que les personnes abandonnent derrière elles dans les lieux publics, répond l’artiste. Cette série serait donc une analyse socio-photographique sur les habitudes des Taiwanais et son but serait de choquer, de heurter les esprits?

Paresse? Négligence? Egaré? Qu’en est-il du pourquoi du comment des objets qui jonchent les coins de rue, les plages et les chemins de randonnées? Des bouteilles vides jugées encombrantes par le randonneur, des emballages de snacks du goûter des enfants à la plage qu’on a la flegme de ramener à la voiture, un cadre photo qui pourrait intéresser quelqu’un d’autre et qu’on entrepose volontairement en bas de chez soi pour le prochain passant???
Les raisons sont souvent les mêmes et plus banales les unes que les autres, retraduisant avant tout la flemmardise des Taiwanais (et ils ne sont pas les seuls) plus prompts à acheter et consommer qu’à recycler. Ce faisant, ces détritus, ces objets délaissés, ces papiers plastiques viennent s’ajouter à notre paysage quotidien.
En les photographiant et les disposant dans une installation artistique, Chen I-hsuan insuffle à ces natures mortes une nouvelle vie, les immortalisant à la lumière de ces objectifs et leur attribuant un certain esthétisme. Il leur donne ici dans cette expo une valeur et une importance à l’antithèse de leur statut ‘abandonné’, ‘délaissé’, ‘voué à disparaître’, tout en nous donnant à réfléchir où nous entreposons nos détritus et à abandonner notre petit vice de flemmardise.
A ce titre et à mon goût, Chen I-hsuen rejoint (et peut-être bien malgré lui car l’artiste n’est pas un militant affiché) la cavalerie des éco-artistes qui font de la protection environnementale l’une de leurs thématiques à la base de leur travail créatif.