Des vers dans ma soupe…

J’ai souvent eu des vers avec ma soupe. En effet, petit, je composais des poèmes aux fleurs (surtout les roses) et arbres avec les petites lettres qui flottaient dans le bouillon. J’avais une passion pour les vers en alexandrin et s’il manquait des pâtes pour compléter une tirade, je n’hésitais pas à mettre la main dans le pot pour subvenir à mes besoins lyriques.

Aujourd’hui, il est question d’une autre forme de poésie. Celle des produits du terroir, de ces fruits de la terre qu’on ne trouve ailleurs qu’avec grande difficulté. Et encore…
Mais aujourd’hui encore, je vais quand même vous parler des « Vers dans ma soupe » !

Et tout commence avec cette jolie expression qui nous met les pieds directement dans le plat : « Vers d’Hiver, Plante d’Eté ». Il ne s’agit là que de la traduction littérale du nom d’origine de ce champignon chenille – 冬蟲夏草 dong chong xia chao en chinois mandarin – que l’on trouve dans certaines régions du globe dont les provinces chinoises du Gansu, du Sichuan et vers le plateau tibétain. Avant d’aller plus loin dans les explications, je vous laisse profiter d’une première photo de ce produit assez particulier que l’on trouve également dans le comté de Nantou au centre de Taiwan, et qui est considéré ici comme un légume ou un champignon. Vous allez vite comprendre que ce n’est pas véritablement le cas. En tout cas, vous pouvez aussi répondre à cette question : « les auriez-vous mis dans la bouche (la vôtre bien entendu)? »

Petite chenille ~~ Quelqu'un connait une comptine avec des chenilles ? J'aimerais bien chantonner ça en regardant mon assiette la prochaine fois
Petite chenille ~~ Quelqu’un connait une comptine avec des chenilles ? J’aimerais bien chantonner ça en regardant mon assiette la prochaine fois

Ni vraiment plante, ni vraiment champignon, ni vraiment insecte, le Ver d’Hiver, Plante d’Eté ou Ophiocordyceps sinensis (retenez bien ce nom parce que je ne le répèterai pas deux fois …) est tout de même un peu tout cela à la fois.
A l’origine, il s’agirait donc d’une chenille. Une chenille tout ce qui a de plus normal. Une chenille qui chenille quoi. Et bien… figurez-vous que cette chenille a un destin plutôt malheureux car durant sa période passée sous terre, elle se fera littéralement agresser par un parasite champignon (comme quoi les champignons ne sont pas forcément nos amis). S’ensuit alors un processus assez glauque qui momifie notre chenille qui devient un support à la partie « plante » de l’ensemble qu’on ne voit pas sur les photos ci-présentes. Vous pouvez éventuellement imaginer une sorte de tige de la couleur et de la forme d’une gousse de vanille partant d’une extrémité de la chenille aussi momifiée qu’un pharaon d’Égypte. La tige qui traverse la partie de la chenille – non, j’avais dit que c’était glauque – finit par sortir de terre avant d’être récoltée par des mains avides d’un revenu pécuniaire assez important.

Ah oui ! Parce que je ne vous l’avais pas dit, mais la Ophiokodocu…  la Opocordipecs … enfin la « plante/chenille/champignon » là ! Et bien, on peut la considérer comme de l’or puisque de par sa rareté, elle peut être vendue à des prix assez élevés. Le comté de Nantou se vante d’en produire et ça serait d’ailleurs le seul endroit où cela se trouve à Taiwan, toutefois, je n’assure pas qu’il s’agisse des mêmes variétés que dans la chaine de l’Himalaya ou en Chine. Mais le processus naturel semble être le même, bien qu’il soit généralement dit qu’il ne se produise qu’à des altitudes proches des 4000m. Les conditions sont assez importantes puisque le parasite ne peut se développer si la température ambiante est trop élevée.

Produit dans des conditions entièrement naturelles, l’Ophiocordyceps sinensis (voilà j’lai dit !) vaut son pesant d’or. Cela s’explique d’abord par sa rareté. Il possède aussi de nombreuses propriétés médicales qui sont louées par la médecine traditionnelle chinoise.
Il paraît que ça stimule la virilité ! Oooh
Que c’est un tonifiant !  Oooh !
Et je ne vais pas vous la faire, mais au Tibet, ils s’en servent pour traiter les maladies rénales et cardiaques…  Rien que ça.

En soupe, c'est possible aussi. En fait, c'est même mieux d'ailleurs
En soupe, c’est possible aussi. En fait, c’est même mieux d’ailleurs

Forcément, avec de telles propriétés, on comprend qu’il s’agit là d’un produit très recherché, surtout en Asie évidemment. Du coup, la production naturelle n’est pas suffisante pour répondre à la demande toujours croissante. Eh oui… déséquilibre entre offre et demande. Inflation. Prix à la hausse…

Pour répondre au problème, on parle désormais d’une production artificielle ou assistée. Barbares … Je soupçonne bien le comté de Nantou d’avoir recours à ce genre de pratiques pour pouvoir mettre de la chenille momifiée sur le marché insulaire. Enfin … il en faut pour tout le monde.

Ah … j’allais partir sans répondre à cette question que vous vous posez (ne mentez pas). Quel goût ? Quelle sensation en bouche ? ça ressemble à quoi ?
Eh bien, je dirais que ça ressemble beaucoup à un féculent. Comme une pomme de terre cuite, un peu fade, mais encore assez ferme. Je ne vois pas de sensation particulière. C’est sûr que sur le coup, on pense directement à une chenille et le voisin vous rassure en vous explique que c’est un légume qui y ressemble beaucoup, mais que c’est un légume. Sérieux … c’était vraiment une chenille au final ! On s’est bien foutu de moi -encore-

Enfin, tout ça pour vous dire également que je planche toujours sur cette idée de vous mettre sur le blog une série portant sur les plats réputés difficiles de la cuisine taiwanaise. Une idée qui germe depuis un temps dans nos têtes avec Meg. ça viendra vite et on vous tiendra bien sûr au courant.

Euh… et pour les lettres dans le bouillon … en fait je me contentais d’écrire mon prénom sur le bord du bol et c’était déjà bien !

Bonne journée à tous !

8 réflexions sur “Des vers dans ma soupe…

  1. D...illon

    Pour avoir goûté des insectes et des champignons, je mangerais volontiers cet hybride. J’attends avec impatience la série sur les plats « réputés difficiles » ou auxquels on donne un nom qui ne donne pas envie de le manger comme le « tofu puant » que j’ai trouvé délicieux.

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