Divinités chinoises : Ginakung, l’Enfant seigneur de la presqu’île

[…]
Quel était ce bruit ? Vous n’avez rien entendu ? On aurait dit le cri d’un enfant …
[…]
Encore ? C’est la nuit. Il fait noir. Ce qui ressemble à un hurlement m’a sorti de mes songes. Mes idées ne sont pas encore en place… Qui peut crier ainsi à une heure aussi tardive ? Ce ne peut-être quelque chose de bon.
Je sors de mon lit et m’habille en hâte. Déjà, dehors, des voix se font entendre. Certainement plusieurs de mes voisins sortis du lit comme moi.
Dans la rue humide de cette nuit d’été, comme toutes les nuits estivales à Taiwan, un attroupement s’est formé.
Un regard jeté au milieu des badauds regroupés me fait apercevoir le corps d’un jeune garçon. Que fait-il là ? Que s’est-il passé ? Et surtout … Qui est-il ?Finalement, personne n’a jamais vraiment su répondre à ces quelques questions posées cette fois-là, une nuit de Taiwan encore au 19ème siècle. Tant de mystères et de superstitions se sont formés autour de ce petit garçon inconnu qu’une tragédie inexpliquée a laissé sans vie dans cette ruelle du village de Shezi, modeste agglomération installée sur la presqu’île qui porte le même nom et qui se trouve au confluent de la Keelung et de la Danshui. Beaucoup de mystères certes, mais il n’en a fallu pas moins pour construire une -non, deux – légendes autour de ce fait divers, certainement fréquent en cette époque difficile à Taiwan, alors que les conflits civils font rage et que les pillages de bandits sont monnaie courante.

Brièvement, la première des deux histoires qui ont encore cours en ces lieux (aujourd’hui une partie de l’arrondissement Shilin de Taipei) nous raconte que le corps d’un enfant inconnu a été retrouvé un jour dans la rue. De pitié ou par crainte de la vengeance de l’âme du défunt, un habitant a offert une sépulture décente à l’enfant et les villageois lui ont offert régulièrement des prières pour l’apaiser. Effectivement, mourir loin de chez soi n’est jamais une bonne chose dans la culture chinoise puisque personne ne viendra prier pour votre âme. C’est pourquoi on trouve dans les temples des autels ou des drapeaux qui sont prévus à cet effet et où chacun peut venir rendre hommage à ces esprits esseulés. Plus tard, un médium du village aurait prétendu avoir été investi de l’âme de l’enfant et ce dernier aurait commencé à rendre service à la population locale en apportant des solutions à leurs problèmes. Une telle manifestation est la preuve d’un esprit fort. C’est l’esprit d’une divinité. Alors, on érige un temple en son nom. Et le culte, s’il reste local, prend de l’ampleur dans cette petite localité de Shezi.

Ginakung chevauchant une licorne chinoise, animal mythique en charge d’apporter les nouveaux-nés

La seconde histoire nous parle de ces bandits qui pillent les alentours. C’est probablement un de ces groupes qui a capturé l’enfant et sa mère, les torturant jusqu’à ce que tous deux rendent l’âme. Le corps de l’enfant, à l’identité toujours inconnu, sera retrouvé. A la différence de la première légende, son âme aurait rendu visite aux villageois dans leurs rêves, leur demandant de lui rendre un culte régulier avec des offrandes à base de viande. Un prêtre taoïste et un médium exécutent les étranges volontés du garçon et se dernier commence alors se manifester via le corps du médium. Des séances de question-réponse sont tenues régulièrement et l’esprit se montre particulièrement efficace quand il est question de fertilité, d’objets perdues, de l’éducation d’enfant difficile ou d’enfant malade. En guise de remerciement, les habitants lui ont construit un temple et le culte s’est formé, le consacrant comme une véritable divinité. Un culte qui s’est également étendu à la mère de cet « Enfant Seigneur », celle-ci devenant par extension :  » La Mère Sacrée ».

Aujourd’hui, le culte autour de Ginakung, l’enfant seigneur est toujours vivant à Shezi. Son esprit est fêté chaque 17ème jour du 7ème mois lunaire. C’était tout simplement ce dimanche 2 septembre 2012.

Deux petites précisions pour conclure. La première, c’est que le terme « Ginakung » (L’enfant seigneur en taiwanais) est une appellation générique. Elle n’est donc pas propre à cet enfant dont l’identité est toujours inconnue à ce jour. On peut ainsi trouver d’autres Ginakung, comme dans le temple de Nankunshan qui se trouve à Tainan. D’une certaine manière, on pourrait nommer le Troisième Prince – Nezha, Ginakung, puisqu’il s’agit aussi d’un enfant hors du commun.
La deuxième précision, c’est que ce petit Ginakung de Shezi est notre divinité de la semaine dans l’émission  » A la poursuite des dieux chinois » de ce lundi 3 septembre 2012. Un numéro à écouter sans faute !

6 réflexions sur “Divinités chinoises : Ginakung, l’Enfant seigneur de la presqu’île

    1. ça reste quelque chose de très local finalement. Malgré tout, c’est un exemple parfait de ces petites traditions qui se forment dans certains quartiers.
      Reste à voir si les générations suivantes préserveront ou non ces pratiques locales.

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