Le sort des requins ‘entre les dents’ des Taiwanais

Saviez-vous que les Taiwanais sont de grands amateurs de…. squales ? Ce penchant culinaire considéré comme un manque au respect de la biodiversité marine par de nombreuses organisations internationales voit la communauté taiwanaise pointée du doigt année après année. Ici, les ailerons de requins, denrée onéreuse dégustée pour un vrai repas de fête et tout spécialement au moment du nouvel an chinois, voit les dents de la mer finir… en potage…

(Ames sensibles s’abstenir de visionner les photos 😉 )

Abuser de gourmandise en faisant la fête au requin à outrance dans son assiette est l’une des cause majeures des risques d’extinction de plusieurs des quelques 370 familles de squales sillonant les mers. Mais c’est le non-respect des quotas de prises par les pêcheurs tentés par l’appat du gain qui est à la source du déséquilibre créé et dénoncé par l’institut de recherche taiwanais sur les espèces endémiques, centre par excellence spécialisé sur la biodiversité et veillant à son respect.

Les rapports internationaux affichent Taiwan au rang du 4ème plus important pêcheur de requins au monde en terme de quantités (derrière l’Indonésie, l’Inde et l’Espagne), 6,2% des 77 000 proies estimées, étant prises dans les filets des pêcheurs taiwanais.

Le temps est venu pour les Taiwanais de prendre une décision écologique qui mettra au banc la dégustation des squales au bénéfice de les voir évoluer dans leurs milieux naturels, leur permettant d’assurer leur rôle de prédateurs indispensables dans la chaîne alimentaire. Situés en bout de chaîne, la diminution inquiétante des spécimens menace déjà gravement l’équilibre de l’ensemble des écosystèmes marins.

Mais s’il semble bien que le sort des requins est en partie ‘entre les dents’ des Taiwanais, ces derniers sont-ils prêts à ‘simplement dire NON aux ailerons de requins’ ? (Slogan de ligne à suivre affiché à Taiwan)

Ici, dans le port de Chenggong (成功港), situé près de la ville de Taidung sur la côte Sud-Est de l’île, on est bien loin de tout ça. La criée bat son plein tous les midis, excepté le ‘禮拜天’, littéralement ‘jour de la prière’, où en fait d’activité pieuse,on s’occupe plutôt à repriser les filets de pêche.

Le morceau le plus prisé à la criée? Les requins et leurs ailerons bien sûr, juste devant les raies mantas géantes qu’on éventre sur le quai avant de relâcher les bébés à la mer, et qui se vendent comme des petits pains de luxe au kilo. Entre 20 et 38 Euros le kilo d’ailerons au déchargement du bateau.

A la criée, chacun est à sa place et assure son rôle avec une efficacité exemplaire. Tout va vite qui va vite depuis le déchargement des prises par les travailleurs immigrés embauchés pour des salaires de misère, jusqu’à la vente. Mesurées, pesées, étalées, empaquetés, les carcasses sont vendues en une heure de temps et seront acheminées vers les restaurants et les poissoneries aux quatre coins de l’île. Le quai, à deux heures de l’après-midi tapantes, est laissé désert, et les pêcheurs s’accordent un repas dans l’un des restaurants du port sur un tabouret de fortune.

A midi et demi encore pourtant, un tant soit peu d’observation sur le déchargement de requins démembrés de certains bateaux démontrait une pratique sanglante dont les requins sont victimes, appelée ‘shark fining’.

‘Pas de photos’, ordonnent les pêcheurs. Mais où sont les membres des autorités de la pêche ???

Le ‘shark fining’ consiste à pêcher massivement les squales pour ne conserver que les ailerons avant de les relâcher dans les océans. Ne pouvant plus nager, ils sont condamnés, voués à être dégustés vivants par leurs congénaires qui ont échappé aux filets des pêcheurs.

Pourquoi cette barbarie ? Et bien, parce qu’il est beaucoup plus difficile pour les autorités de la pêche au port de contrôler les quotas des cargaisons.

Cependant, une nouvelle loi taiwanaise est en cours de discussion au vu de la pression de la communauté internationale, voulant obliger à l’avenir les pêcheurs à ramener au port les carcasses des requins sur lesquelles ont été prélevé les ailerons. De même, cette nouvelle loi se révèle nécessaire afin de procéder à la vérification que les ailerons sont bien ceux d’une famille de squales non interdites à la pêche.

 

 

Régulièrement des cas de de pêche illégale éclairent d’une sombre aura Taiwan dans la presse internationale. Un cas avait particulièrement attiré les foudres sur Taiwan en 2010, alors que 3,2 tonnes d’ailerons, représentant 65 tonnes de requins, avaient été saisies sur un palangrier immatriculé à Taiwan. Le bateau Feng Kin-shung simplement autorisé à pêcher le thon sillonait les mers de Morondova sur la côte Est de Magadascar copieusement achalendées en bancs de sardines au mois de septembre, attirant ainsi un grand nombre de requins en cette période de l’année.

L’amende écopée peut cependant paraître plus ou moins sévère aux yeux de chacun… Chacun jugera… ‘Interdiction d’activité de pêche du bateau pendant 3 mois, et un an de cessation d’activité pour les pêcheurs concernés’.

Quant au bureau de l’administration des pêches de Taiwan, ils qualifient d’injuste la réprobation internationale au vu des efforts déployés pour limiter ce qu’ils qualifient être un ‘incident’….

En fait, de la mise en place des réglementations nécessaires à une pêche régulée jusqu’à l’évolution des mentalités et des habitudes culinaires des Taiwanais afin d’exercer une pêche la moins ‘barbare’ possible des requins et n’affectant pas la biodiversité marine, il semble bien que la criée de Chenggong aura encore de beaux jours prospères devant elle…

11 réflexions sur “Le sort des requins ‘entre les dents’ des Taiwanais

    1. aurelie

      Merci pour le partage de cette aventure humaine émouvante qui est une belle leçon d’humanité envers le respect des espèces marines et de leur vie en liberté et qui nous démontre que chacun peut oeuvrer en ce sens.

  1. Marc

    Ou est Sea Shepperd, la ??
    Comment se fait il qu’on ne les entends pas ???
    Ah oui, c’est vrai… J’oubliais: ils se font de la pub en defendant qques squales (ayant causes des attaques sur des surfeurs) a la Reunion…
    Alors evidemment, qques MILLIERS de squales dont tout le monde se moque (et a l’autre bout du monde, de qui plus est)… c’est moins important, car moins mediatique… Lamentable !!

  2. Gregory

    « Cependant, une nouvelle loi taiwanaise est en cours de discussion au vu de la pression de la communauté internationale »
    La loi est-elle sortie ? Si oui que dit-elle ?

    1. Fix

      Malheureusement pas encore. Néanmoins, suite à une nouvelle affaire de pêche non déclarée, l’Union Européenne vient de faire pression sur le gouvernement taiwanais qui a désormais 6 mois pour renforcer ses lois et son action de lutte contre la pêche illégale et ce type de « boucherie ». Greenpeace surveille de près l’évolution de la situation. Voir l’actu récente : http://french.rti.org.tw/news/?recordId=35711

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