La grisaille de Taipei, visible dans son ciel et ses rues, est une formidable invitation au voyage. Les journées, les semaines, les mois de travail s’enchainant sans parfois avoir l’occasion de quitter cet infernal quadrillage d’avenues et boulevards de la capitale, m’ont récemment poussé un peu en dehors du monde urbain. Cette fois-ci, ce n’est pas Gukeng du comté de Yunlin qui m’appelait auprès de lui, mais Wulai, une commune bien plus proche, située dans les hauteurs des montagnes au sud de Taipei. Réputée pour ses sources thermales et ses chemins de forêt, Wulai est également un lieu habité par la tribu aborigène des Atayals. Et comme tout le monde le sait (et vous aussi à partir de maintenant), les tribus aborigènes recèlent une cuisine particulièrement sympathique, plus abordable aux palais habitués à des saveurs moins chargées que celles émanant des plaines taïwanaises.

S’il y a bien quelque chose avec laquelle on ne rigole pas à Taiwan, c’est bien « la bouffe ». Que l’on mange bien ou pas, c’est pas grave, parce que l’essentiel, c’est qu’on mange. Capables de faire parfois des heures de queue pour obtenir un tabouret et un bol de nouilles au boeuf sur un coin de table, les Taiwanais accordent une importance toute particulière à la nourriture. Pas étonnant dans ce cas de retrouver des étals, des échoppes, des stands, des troquets, un peu partout. Maison de la fière tribu des Atayals, Wulai n’échappe pas du tout au phénomène des victuailles à tout va. En témoigne ce stand, renommé arbitrairement » Chez Franky les bons morceaux » par mes soins.

A vrai dire, au premier abord, rien de plus banal qu’une saucisse grillée sur un petit bâtonnet. Pourtant, dîtes-vous bien que pour obtenir l’une d’entre elles, il faut être prêt à sacrifier une bonne demie-heure de son temps libre. La queue est bien présente devant la petite baraque en bois. Une queue de gens salivant tous plus les uns que les autres. Surtout que Franky, lui, il sait y faire. Alors que des centaines d’yeux (et objectifs) sont braqués sur lui, il s’affaire à entailler chacun de ses trésors avec cette maîtrise et cette douceur propres à un artiste.

Franky a du doigté… un touché qui n’a d’égal que la cisaille de son coiffeur attitré. Non content de mettre en émoi toute une foule de spectateurs en manque de sensations papillaires, le jeune homme appose sa touche finale, élimant les imperfections de son oeuvre. A côté de moi, une dame d’un certain âge se met à pleurer. Lui demandant le pourquoi de ce flot de larmes, elle m’explique que ça fait déjà 50 bonnes minutes qu’elle attend de pouvoir assouvir son envie. Je me retourne à nouveau vers Franky, juste le temps d’entrevoir l’apothéose du spectacle.

C’est un hommage à la culture aborigène … ou pas … non ! Les tentes ne sont pas un type d’habitat chez les aborigènes, peu importe la tribu d’ailleurs, mais plutôt chez les randonneurs chevronnés. Alors, en une sorte d’hommage vibrant à la montagne, à la nature et Pocahontas, Franky rassemble ses saucisses ensemble, le tout faisant effectivement penser à une tente. On pousse un cri à côté de moi …

Au bout d’une heure de queue, la dame en question arrive enfin devant le comptoir. « C’est 35 NT$ » lui dit Charly, le compagnon de labeur de Franky. Dans mon inconscient, mon cerveau se met rapidement à calculer selon le taux de change du samedi 12 mai 2012. Ce jour là … l’Euro était à 38,05 NT$, ce qui n’est pas top.
« ça fait 0,91 € » me souffle ma tête » tes lecteurs seront certainement contents de le savoir. Oui 0,91€ l’unité ou 2,62€ les trois carrément.
Notons quand même qu’il s’agit de viande de cochons des montagnes, ou un sanglier des altitudes peut-être. Pour ce qui est de la cuisine aborigène, plus sérieusement, elle est pour beaucoup basée sur la viande de cet animal, parfois cuite sur des pierres. C’est également une cuisine qui est bien plus légère au niveau des saveurs que ne l’est la cuisine plus proprement taiwanaise. Question de goût certainement, j’ai une préfère pour cette cuisine des montagnes, où les saveurs originelles des produits se retrouvent plus facilement.
Merci à Aurélie pour ces photos. Et merci à Franky pour s’être prêté volontiers à cette petite histoire.
Bien appétissant ces saucisses. Ont-elles la même texture que nos chipolatas ? Je pense qu’il me manquerait le pain. Mais bon j’aimerais bien y goûter.
Brochette de saucisses… original ! Et bon appétit !
Bon appétit ! Saucisses juteuses et grasses (faut aimer ça quand même)
Ca y’est, j’ai faim. Merci Xavier.
Bah et moi donc …
Élémentaire mon cher Hutch, je suis sur que c’est une couverture, le mec à pas l’air commode
Y’a un trafic derrière tout ça ^_^
Je trouve qu’il a plutôt la tête de l’emploi 🙂
Si trafic il y a, voyons … je demande dans quoi il verserait le Franky 😉
Et voilà, ce brave garçon, qui ne demandait rien d’autre que de régaler les clients, se voit gratifier d’un surnom, d’un coiffeur, et c’est un personnage de roman que Xavier nous invente à partir d’une … saucisse.
Quel talent !
mais euh …
j’aime bien les saucisses