La brume monte inexorablement sur les sommets de Alishan et les cimes des pins et des cyprès. Dans quelques minutes, elle aura tout recouvert le long de sa course ascendante pour laisser la fraicheur d’une nuit étoilée et le silence s’installer.
Il nous faudra attendre le petit matin pour s’engager sur les chemins à la rencontre des arbres millénaires qui croissent au milieu des nuages…
7 heures sonnées. Nous sommes à 1400 mètres d’altitude et les rayons du soleil matinal dissipent les dernières perles de rosée qui ruisselent le long des feuilles de la végétation humide des sous-bois. Seuls le chant des oiseaux et le crissement de nos pas sur le chemin tracé par les racines des cyprès géants viennent perturber le réveil matinal de la forêt.
Le parc national de Alishan, dans la région centrale de l’île, est l’un des cinq sites touristiques les plus visités de Taiwan. Des milliers de chinois sillonent ses sentiers tous les mois. Des Chinois ? … Ceux qui se sont levés pour apercevoir la célèbre ‘mer de nuage’ au lever du soleil doivent s’être recouchés tandis que les autres doivent profiter de quelques heures de sommeil supplémentaires. Profitons donc du calme matinal pour s’engager sur le chemin…
La promenade des arbres millénaires, un sentier tortueux de 600 mètres construit en 1997, nous conduit d’un cyprès rouge de 900 ans à un autre de ses congénaires quelques mètres en contrebas, plus âgé encore. ‘1200 ans’ nous indique la pancarte. Le doyen des 20 géants aux hauteurs vertigineuses se décline en trois générations de pousses et a un diamètre de tronc impressionant. Il faudrait au moins cinq personnes pour en faire le tour, bras écartés. Les racines de ses deux premières vies sont toujours apparentes. Il aurait 1800 ans paraît-il….
Et tel que tous les autres Melikis (nom du cyprès rouge attribué par les Japonais), il serait habité d’un esprit sacré de la montagne aussi ancien que les croyances des peuples aborigènes Tsou peuplant ces montagnes vénèrent et content les histoires de ces géants. Ils doivent ainsi leur chance de pouvoir nous présenter fièrement leur droiture s’élevant jusqu’à 35 mètres de hauteur, à ses superstitions craintes en partie par les exploitants forestiers japonais de la forêt au temps de la colonisation de l’île, à partir du début des années 1900. Ils ont décidé de ne pas abattre quelques-uns des arbres les plus vieux, les plus hauts. Le déboisement de la forêt de cyprès s’est par la suite poursuivi sous l’ère nationaliste du Kuomintang jusqu’aux années 1980, le bois étant utilisé dans le secteur du bâtiment et du mobilier.
Ces quelques melikis sont donc les vingts survivants de toute une forêt exploitée pour être vendue en planches, mais on raconte que certains d’entre eux dorment couchés sous nos pieds. Ils auraient été enterrés sur place en attendant d’être acheminés vers le Japon, mais la fin abrupte de la colonisation japonaise de l’île suite à la 2ème guerre mondiale aurait empêché le voyage de se faire.
Mais voilà qu’à 10 heures sonnées, les voix des touristes chinois s’élèvent au milieu des arbres. Nous les entendons bien avant de les apercevoir. Ils envahissent les sentiers au son des haut-parleurs et de leurs appareils photos pour s’exclamer devant un cyprès rouge qui porte un chiffre en guise de nom : ‘1000 ans’. Les Japonais l’auraient ainsi nommé par déférence pour ses principaux branchages semblant vouloir accueillir l’empereur (japonais, cela va sans dire) dans ses ‘bras’, lui souhaitant longue vie.
Aujourd’hui, l’exploitation du cyprès rouge au Mont Ali est interdite. Ce bois exceptionnel qui a la particularité d’être quasi-imputréscible, dû à sa forte acidité qui empêche les champignons de s’y immiscer et donc de le ronger de l’intérieur, est protégé par la loi taiwanaise depuis 1989. Mais les forêts de cyprès de Taiwan qui formaient une grande muraille verte passant par les Monts Taiping et Pahsien, à environ 2000 mètres d’altitude, ont pratiquement disparues.
Cependant, les âmes des cyprès millénaires du sentier du Mont Ali, croissant au milieu des nuages, continuent de susurrer le chant de la montagne au bruissement du vent qui agite leurs feuilles.


Magnifique reportage.
Il y avait donc bien un Bouddha Milefo derrière cette porte de temple…
Oui, et il aurait été dommage de ne pas faire ressortir la mascotte du temple Tsu Yun à la lumière du jour. La dizaine de bonzesses qui vivent là viennent sonner le gong plusieurs fois par jour, volant quelque peu la vedette au bouddha pour un bref instant de prise photographique.
Super reportage d’Aurélie.Peut-on voir sur une carte de Taïwan où sont situés ces magnifiques arbres.
Ils sont situés dans la région centrale de l’île sur le Mont Ali, en bordure du parc national de la montagne de Jade où culminent les plus hauts sommets de Taiwan, seul lieu où les neiges sont éternelles…
Aurélie et Xavier ont le don de nous faire voyager sans quitter notre fauteuil.
Merci à tous deux pour cette exploration virtuelle de Taïwan.
Merci à vous pour votre soutien. Honnêtement, j’aimerais avoir un peu plus de temps à consacrer à ce genre de sortie 🙂
C’est toujours un plaisir de partager quelques anecdotes de vagabondages insulaires, surtout si elles sont appréciées par ceux ou celles 😉 qui les lisent. Merci!