Un coup d’oeil sur … Treasure Hill, « l’île aux trésors » de Taipei

Simple coup d’oeil, mais coup d’oeil qui vaut le détour. Ce matin, sur le quai du métro qui m’emmène habituellement vers RTI, j’étais pris d’une envie incontrôlable de monter dans une rame allant dans l’autre sens.

Je m’installais donc confortablement sur un siège, les Rêveries du Promeneur Solitaire de Rousseau comme seule compagnie pour tuer un peu le temps. Je n’avais pas choisi de destination précise et j’espérais trouver l’inspiration en écoutant la voix féminine du métro annoncer, l’une après l’autre, les stations où nous nous arrêtions.  Finalement, l’inspiration, elle est venue de Rousseau, ce dernier débutant sa première promenade sur une longue complainte de son passé parmi les hommes. Comme il ne semblait pas pressé de sortir sur les chemins de la campagne suisse, je décidais de le devancer en refermant son livre et en descendant à la station suivante : Gongguan ….

Gongguan, un choix particulièrement inspiré. Lorsqu’on évoque cette station située sur la ligne de Xindian, on pense surtout à l’Université Nationale de Taiwan dont une des entrées se trouve précisément là. En ce qui concerne les proches alentours, c’est surtout un quartier commerçant, avec de nombreux magasins de vêtements pour jeune ainsi que des restaurants de toute sorte. On oublie souvent qu’au-delà des quelques rues à l’ouest de la station de métro en question se trouve la rivière Xindian et qu’au bord de celle-ci, est plantée une colline atypique, un lieu à la fois unique et étrange : Treasure Hill. Je n’avais eu, jusqu’à aujourd’hui, l’occasion de fouler les terres de cette colline à part, abritant autrefois un village de militaires à la retraite depuis longtemps. Et pour cause, jusqu’à il y a peu quelques mois, ce site était tout bonnement fermé au public. Une période d’isolation qui, semble-t-il, a duré près de quatre ans, le temps de mettre en place un projet tout aussi atypique que les lieux qui l’abritent.

Une carte des lieux tout en couleur

En descendant à Gongguan (merci Jean-Jacques), cette opportunité se présentait enfin à moi. Sous le ciel lourd de Taipei, je me dirigeais sans attendre vers cette fameuse colline.

L’histoire des lieux remonte au 17ème siècle avec la construction d’un temple de croyance populaire dédié au bodhisattva Guanyin, la déesse de miséricorde. Modifié et restauré à plusieurs reprises depuis, ce dernier est toujours présent sur le site et c’est d’ailleurs le premier édifice que l’on croise aux abords de la colline si l’on vient directement de la station de métro.
Lors de l’occupation japonaise (1895-1945), le gouvernement nippon a utilisé cette colline haute de 80m environ comme base d’artillerie en prévision d’éventuelles attaques aériennes lors de la seconde guerre mondiale. Après la retraite des Japonais et l’arrivée du KMT, l’utilité du site est restée la même. Un point de défense contre les attaques aériennes pouvant venir, cette fois-ci, des troupes communistes. C’est ainsi que plusieurs soldats originaires du continent chinois ont été affectés à la gestion de cette petite base. Les années passant et la perspective de pouvoir rentrer un jour chez eux s’éloignant, beaucoup ont fini par accepter leur nouvelle vie, se mariant avec des Taiwanais et construisant leur propre habitation autour de la base.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est très vert

Rien de bien exceptionnel jusque là. A Taipei, des « villages » comme celui-ci, il y en a plusieurs. A l’origine occupées par ces vétérans, elles sont désormais bien souvent habitées par leurs descendants. En réalité, tout cela n’a rien de légal. Au début, le gouvernement préférait ne rien dire, laissant les militaires à la retraite vivre paisiblement leur vie. Mais aujourd’hui, il a tendance à chercher des solutions pour éliminer ces vieux quartiers, généralement insalubres, en expropriant (ça compte aussi s’ils ne sont pas officiellement propriétaires ou locataires ?) les résidents actuels, en général des descendants de ces vétérans. Un exemple récent, c’est le quartier jouxtant la station de métro Yuanshan qui a fait l’objet d’un nettoyage en règle quelques mois avant l’ouverture des Floralies de Taipei. Cela se passe toujours de la même façon : soit vous prenez les sous que l’on vous donne généreusement pour aller vous loger ailleurs, soit vous restez au risque de voir votre baraque réduite en poussière par un bulldozer conduit par un monsieur mâchouillant une noix de bétel – Prouiiit ! teuh ! –

Une première vidéo pour vous donner un aperçu des lieux.

Le destin de Treasure Hill est différent. Enfin presque. C’est peut-être le paysage qui a voulu cela, cette colline couverte de verdure et sur le flanc de laquelle apparaissent ces quelques modestes constructions, tel un décor qui aurait pu inspirer un film d’animation de Miyazaki. (Le Château Ambulant – petit clin d’oeil à Aurélie -) En 2007, les forces de police sont intervenues pour faire évacuer les habitants de Treasure Hill afin de permettre la réalisation d’un projet visant lui redonner une nouvelle vie. Evidemment, il y a eu des manifestations d’opposition…

Treasure Hill

La mairie de Taipei, aidée de l’ONG Global Artivists Participation Project, a décidé de faire de Treasure Hill, un exemple de village écologique au sein même de la capitale taiwanaise. Quelques habitants ont pu y rester, rejoints depuis par un collectif d’artistes. En 2010, les portes de la colline sont réouvertes au public. Treasure Hill n’a pas réellement changée mais elle offre désormais un visage plus accueillant aux touristes.
Les entrées sont contrôlées par des agents de sécurité postés des deux côtés de la colline. Et il y a même des heures de visites, soit tous les jours à partir de 15h et toute la journée le samedi et le dimanche. En dehors de cela, c’est pas possible d’y accéder.
Ce qui était d’ailleurs mon cas ce matin …  « Désolé ! » pour reprendre les termes … enfin … LE terme du non-moins sympathique gardien qui m’a barré la route.
Mais nous y reviendrons à l’occasion, peut-être pour rencontrer cette fois-ci les nombreux artistes, dont certains étrangers, qui ont fait de Treasure Hill, leur nouvelle résidence.
Pour conclure, une seconde vidéo sur cette colline, avec le récit rapporté d’un vétéran originaire du Hebei.

P.S 1 : Contrairement à ce que pourrait faire croire cet article, j’aime beaucoup Rousseau.
P.S 2 : Hill se traduit en français par colline, ça je le sais. 🙂

4 réflexions sur “Un coup d’oeil sur … Treasure Hill, « l’île aux trésors » de Taipei

  1. C`est pas étonnant que ça change pas,ce sont tous des petits vieux!Ça fait différence avec mon village que je ne reconnais plus 50 ans plus tard,passant d`un village de 2,000 habitants à une banlieue cossue de Montréal de 15,000 habitants!

  2. aurelie

    Une belle ballade bien racontée! Le mystère qui planne autour des fameux trésors de l’îlot artistique est bien gardé à l’intérieur de ses murs…
    Si j’empoche ‘Robinson Crusoé’ de Daniel Defoe à la sortie de chez moi, je me demande dans quel monde imaginaire de Miyazaki de Taipei je vais atterrir?!

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